L’art de peindre des chimères

Une œuvre qui n’existe que dans l’œil et le mouvement du spectateur engagé, qui abolit les frontières de l’espace et du temps. Une œuvre sous l’empire du double : double vision, de près, de loin, double figure, double identité, double ADN.

 

Lauréate du Prix Européen d’Art Contemporain Jean-Charles Hachet en 2017

Véronique Barrillot ou l’art de peindre des chimères…

Chimères, chimères… Au pays des chimères de Véronique Barrillot, on ne rencontre ni vaines illusions ni illusions perdues, comme pourrait nous le faire croire le premier sens du mot dans le langage courant.
On ne rencontre pas non plus de créature mythologique, de figure imaginaire, d’animal fabuleux à buste de lion, à ventre de chèvre et queue de serpent.
Encore moins une information ou une image fausse et fabriquée, générée et non pas créée, par l’intelligence artificielle.
Ses chimères sont plus proches de celle du médecin ou du naturaliste : un être unique, homme, animal ou plante, qui, sous une seule figure, présente deux ADN distincts et qui cohabitent.

La peinture de Véronique Barrillot, peintre autodidacte, est placée sous l’empire du double : double vision, double figure, double identité, double ADN qui abolit les frontières de l’espace et du temps. Elle peint en même temps, à travers des milliers de coups de pinceaux et une véritable chorégraphie autour de sa toile encore vierge, souvent en musique, une figure à part, un revers et son envers.

Véronique Barrillot a un art de voir unique et singulier, qui unit vision de près et vision de loin, hautes fréquences spatiales et basses fréquences temporelles. Le spectateur ne verra pas la même chose selon qu’il regarde de près ou de loin, qu’il s’avance ou qu’il recule face au tableau. La peinture n’existe que dans l’œil du spectateur et dans son propre mouvement. Spectateur engagé, il devra saisir le moment et le lieu uniques où les personnages, au lieu de se défragmenter, se réconcilient.

Cet « art de voir est opposé au voir qui reconnaît les objets » comme l’écrivait Paul Valéry. La double vision de Véronique Barrillot ne relève pas de la technique mais du don. Cette « habileté singulière » est reflétée par une imagerie cérébrale particulière, étudiée par le CHUV de Lausanne, département des neurosciences cliniques, et qui produit, au sens littéral, « un leurre du cerveau ». * Cette plasticité et hyperconnectivité du cerveau sont un don inné mais aussi le fruit d’une lente éducation et de la construction par la répétition de milliers de coups de pinceaux devant la toile. Véronique Barrillot exprime cet état du peintre mieux que quiconque ne pourrait le faire : « Je crée des tunnels entre la toile et mon cerveau »

Ses œuvres ne sont ni un trompe l’œil, ni une illusion d’optique, ni une anamnèse, encore moins le résultat d’une quelconque intelligence artificielle, mais des créations sans comparaison ni école à laquelle les rattacher. Elles imposent la présence et l’engagement du spectateur et n’existent que par lui et elles résistent à la photographie et aux algorithmes qui ne parviennent ni à les reconnaître ni à les mettre en valeur.

Le catalogue raisonné prend le risque « raisonné » de présenter les œuvres de Véronique Barrillot, en atelier ou dans des collections privées.
On a donc pris dans le catalogue le parti technique (artificiel) de défragmenter l’œuvre et d’en présenter côte à côte les deux faces, le revers et l’envers, la vision de près, la vision de loin.

Dans le choix des personnages ou des thèmes, Véronique Barrillot privilégie de faire découvrir le réel et son double à travers des figures iconiques de l’art, peinture ou littérature, de la religion ou de l’histoire des idées, de Saint-Exupéry à Mandela ou JFK, du Dalaï Lama à César ou Frida Khalo en passant par Bowie … dans certaines toiles, elle donne à voir en même temps et le personnage et son œuvre ou son totem, ce signe de reconnaissance déjà dans l’imaginaire collectif et que chacun reconnaît : un avion de l’Aérospatiale, une palette de couleurs, une compression…
Souvent la charge émotionnelle du spectateur est forte. Cette peinture « rend l’espace et le temps sensibles au cœur » selon le mot de Proust et crée une émotion première et fondamentale, loin des sentiers battus de la raison, et qui va parfois jusqu’aux larmes. Cet état du spectateur est d’autant plus fort qu’il a choisi lui-même le double thème de l’œuvre.
Véronique Barrillot crée ainsi, à la demande et en grand format, des œuvres sur mesure pour un futur collectionneur, en fonction des personnages ou des idées qui habitent sa psyché.

L’œuvre de Véronique Barrillot a une audience et une visibilité internationales, depuis Dijon où est installé son atelier, au 15, rue Charrue, au cœur du centre historique, jusqu’à Monaco, Paris, Lille, Lyon, et surtout New York et les Hampton, Washington, Miami, Houston… D’abord venue à la peinture et à la double vision par la fresque et les grands formats, elle a été la seule artiste française à exposer au 5 pointz de New-York en 2013 et a été lauréate du Prix Européen d’Art Contemporain Jean-Charles Hachet en 2017.
En tout cela Véronique Barrillot est une artiste comme en appelait de ses vœux Théodor Adorno dans son projet inachevé de Théorie esthétique : « Toutes les œuvres d’art, et l’art en général sont des énigmes… Mais le caractère énigmatique ne constitue pas le dernier mot des œuvres; au contraire, toute œuvre authentique propose également la solution de son énigme insoluble. »

* voir bibliographie : Le point de vue des neurologues

Florence Thirion