Véronique Barrillot, l’art de la peinture quantique
Le concept clé de l’œuvre de Véronique Barrillot est la physique quantique appliquée à l’art.
Elle l’a d’abord vécu comme une intuition et une exigence impérative, puis ce phénomène est devenu pour elle une évidence et sa façon unique de voir et de créer.
Ses tableaux ont une double réalité, contre intuitive pour le spectateur et en rupture avec son regard habituel.
Véronique Barrillot ouvre le champ des possibles et nous emmène au-delà de l’instantanéité du regard. Elle crée un phénomène de simultanéité, celui-là même qui est au cœur de la physique quantique, et propose au spectateur une nouvelle esthétique complexe et hybride.
Selon qu’il regarde de près ou de loin, qu’il avance ou recule, le spectateur ne voit pas le même tableau. Les deux sujets peints entrent en interférence, ils sont « intriqués » au sens quantique du terme, sans jamais se mélanger.
C’est une expérience à part qui interroge notre perception. Cet « art est opposé au voir qui reconnaît les objets » comme l’écrivait Paul Valéry.
Véronique Barrillot nous force à nous investir et nous engager dans son travail. Sa peinture n’existe que dans l’œil et le mouvement du regardeur. Son engagement est nécessaire pour parvenir à déchiffrer l’œuvre. Le regardeur devient un acteur à part entière de l’œuvre d’art.
Art et cerveau
Bien au-delà de la tendance à la mode de l’art thérapie, de l’art sur ordonnance et des effets de la muséothérapie sur le bien-être et la santé, Véronique Barrillot révolutionne la relation entre le cerveau et le process de la vision.
Cette habileté singulière a retenu l’attention des experts du département des neurosciences de Lausanne qui étudient son imagerie cérébrale. Ils observent une hyperconnectivité des voies visuelles et une inhabituelle plasticité de son cerveau.
L’analyse des scientifiques de l’équipe d’Olivier Rouaud au CHUV [1]démontre que dans le cas de Véronique Barrillot « l’œuvre « double vision » ou « œuvre hybride » intègre deux percepts visuels dont l’un s’identifie de près et l’autre de loin par le spectateur. L’explication à cela est que l’un des percepts est principalement représenté par des contrastes en hautes fréquences spatiales et basses fréquences temporelles, alors que l’autre est représenté principalement par des contrastes en basses fréquences spatiales et hautes fréquences temporelles. »
La science ne peut pas, à ce stade, dire si le don, le talent Véronique Barrillot est inné ou acquis, Il s’ancre en tout cas sans aucun doute dans la répétition d’un même geste sur la toile et dans le pouvoir de décohérence des états et des images de l’artiste.
Un champ de forces émotionnelles
Comme en physique quantique on peut aussi parler d’effet tunnel. Véronique Barrillot l’exprime dans ses propres mots quand elle évoque son état de quasi autohypnose lorsqu’elle peint : « Je crée un tunnel entre mon cerveau et la toile. » . Il faut la voir au cœur de son atelier peindre, en même temps, ses deux représentations, à travers des centaines de coups de pinceaux, et composer une véritable chorégraphie autour de sa toile encore vierge, souvent en musique,
On n’entre pas dans l’œuvre de Véronique Barrillot par le concept ou l’abstraction mais quand on est immergé dans son mouvement immanent.
Cette peinture de la double réalité rend l’espace et le temps sensibles au cœur et nécessite l’engagement physique et mental de l’observateur, connecté à ses émotions, pour véritablement exister.
La logique de l’œuvre se refuse à une compréhension immédiate et la charge émotionnelle est toujours forte. Plongé dans l’enchevêtrement des deux images intriquées, le regardeur éprouve une sensation inconnue.
Toutes les réactions s’observent quand le regardeur découvre les œuvres : du doute rationnel ou des préjugés culturels, à beaucoup plus souvent, un effet « waouh », l’adhésion totale et la projection, parfois jusqu’aux larmes.
L’émotion est d’autant plus forte que le spectateur a lui-même choisi le thème de l’œuvre. Véronique Barrillot peut en effet créer à la commande, des œuvres sur mesure pour un futur collectionneur, en fonction des personnages ou des idées qui habitent sa psyché et qu’il souhaite transfigurer.
Des figures iconiques et leurs totems
L’esthétique de Véronique Barrillot touche à l’universel. Elle renouvelle radicalement l’art du portrait et les représentations traditionnelles ou contemporaines du visage.
Pour son atelier ou des collections privées, elle peint ses œuvres singulières en acrylique, plein cadre et en grand format, en noir et blanc ou, de plus en plus au fil de son travail, avec des couleurs primaires ou tranchées.
Dans le choix de ses personnages ou de ses thèmes, elle privilégie des figures iconiques et universelles de l’histoire de l’art ou des idées, sans oublier les grandes figures de la physique quantique, à commencer par Schrödinger.
Elle peint soit deux personnages en résonnance (Nelson Mandela et la statue de la Liberté, David Bowie l’homme aux mille visages, et le mime Marceau), soit un personnage et son totem (un artiste, Frida Kahlo ou Basquiat, Camus ou César et son œuvre), ou encore un symbole (la tour Eiffel – construite par ce natif de Dijon, les signes de la sagesse du Dalaï-Lama, l’avion de l’Aéropostale de Saint-Exupéry).
Dans l’une de ses dernières œuvres, Quantique des Quantiques, deux images entrent en interférence : le visage de Schrödinger et la double référence à l’expérience de vie qui l’a rendu célèbre, celle du chat « à la fois mort et vivant », et aux montres molles de Dali.
Véronique Barrillot peint des œuvres originales protégées. Chaque œuvre matrice fait l’objet de déclinaisons, peintes à la main, en tirage exclusif et limité de 1 à 30.
Même si comme pour le Pop Art, mais sans visée sérielle, tout commence au début de la création par une photo, les œuvres de Véronique Barrillot résistent à la photographie comme aux algorithmes. La photo trahit l’œuvre et ne permet pas de refléter les états superposés.
Les algorithmes et l’intelligence artificielle quant à eux ne peuvent ni produire ni reconnaître la superposition des états. Ainsi la variation sur le célèbre « Origine du monde » de Courbet, adulé par Lacan, et auquel Beaubourg vient de consacrer une exposition sur Art et Psychanalyse, échappe à la prude censure des réseaux.
Un destin singulier
Née en 1969, Véronique Barrillot est une artiste autodidacte, devenue artiste à plein temps en 2012 après une carrière marketing et commerciale.
Elle n’a pas suivi le parcours académique classique ni aucun enseignement artistique et ne se rattache à aucune école ou chapelle. Mais elle a depuis l’enfance « appris à voir » et a toujours dessiné, comme une exigence de vie. L’un de ses maîtres d’école lui avait très tôt déclaré en cours de dessin, sans qu’elle comprenne pourquoi : « Toi, je n’ai rien à t’apprendre. »
Elle a découvert son don et est venue à la peinture, par accident et par effraction, en débutant dans l’art de la fresque et les grands formats. Elle fut la dernière française à peindre une fresque au 5 pointz de New-York en 2013 et a été lauréate du Prix Européen d’Art Contemporain Jean-Charles Hachet en 2017.
L’œuvre de Véronique Barrillot a une audience et une visibilité internationales. Depuis Dijon où est installé son atelier, au 15, rue Charrue, au cœur du centre historique, elle expose à New York, Miami, Palm Beach, mais aussi à Monaco, Lyon, Lausanne, Martigny et Assens et bien sûr Dijon.
En tout cela Véronique Barrillot est une artiste comme en appelait de ses vœux Adorno dans son projet inachevé de Théorie esthétique : « Toutes les œuvres d’art, et l’art en général sont des énigmes… Mais le caractère énigmatique ne constitue pas le dernier mot des œuvres; au contraire, toute œuvre authentique propose également la solution de son énigme insoluble. »
Florence Thirion
Avril 2024
[1] Voir pour en savoir plus la monographie qu’Olivier Rouaud consacre à l’étude du cerveau de Véronique Barrillot